Santé mentale des jeunes : « il faudrait plus de moyens pour répondre à nos missions et aux besoins des élèves »
Dans son plan pour la santé mentale présenté ce mercredi soir, le gouvernement insiste sur le repérage des troubles chez les jeunes. Or, en France, on compte seulement une infirmière scolaire pour 1500 élèves. « Trop peu pour assurer tous les besoin », regrette Sarah Marmin, invitée d’ICI Mayenne.
Hasard du calendrier, c’est en plein drame de Nogent que le ministre de la Santé Yannick Neuder a dévoilé ce mercredi 11 juin son plan pour la santé mentale. Parmi les mesures annoncées, dans les collèges et lycées, toute la communauté éducative recevra un kit de repérage des troubles psychiques chez les élèves, et deux adultes par établissement seront nommés référents, comme annoncé en mai dernier. Dans les établissements scolaires, des infirmiers et infirmières sont en première ligne pour repérer la souffrance des jeunes. Mais ils sont trop peu nombreux. En Mayenne, 32 seulement pour 355 établissements, soit moins d’un infirmier pour dix écoles, collèges et lycées. « Il faudrait beaucoup plus de moyens pour pouvoir répondre à l’ensemble de nos missions et aux besoins des élèves », regrette Sarah Marmin. Infirmière scolaire depuis dix ans en Maine-et-Loire et co-secrétaire pour l’académie de Nantes du SNICS-FSU, elle était l’invitée d’ICI Mayenne ce jeudi 12 juin.
ICI MAYENNE : Des jeunes qui ne vont pas bien, vous en rencontrez beaucoup ?
Sarah Marmin : Eh oui ! Et c’est le constat que font toutes mes collègues infirmières. C’est à dire qu’on voit que la santé mentale des jeunes se dégrade. Même s’il y en a aussi qui vont bien, il faut le redire aussi. La majorité des jeunes va bien. Mais au quotidien, en tout cas, nous, on accompagne ces jeunes qui ne vont pas bien et ça demande du temps et du temps long, notamment de consultations dans nos infirmeries.
Cette souffrance, elle apparaît quand ? Au moment de l’adolescence ?
Non, ça peut être déjà bien plus tôt. L’enfant ou l’adolescent n’a pas forcément les mots non plus pour exprimer qu’il ne va pas bien. Donc, quand il vient à l’infirmerie, et c’est là où c’est important d’avoir ces consultations en libre accès et à la demande des jeunes, nous, on va essayer de voir quand il vient pour un mal de ventre par exemple, si c’est un problème biologique ou s’il est stressé, si c’est un problème au collège, la pression des résultats scolaires, la relation avec les autres, ça peut être des problèmes sur les réseaux sociaux, de harcèlement scolaire, des conflits à la maison. Parfois, les élèves nous disent à ce moment là qu’ils ont été victimes de violence, de maltraitance. Ce mal-être peut être aussi repéré par plein de gens. Ce sont les autres élèves qui des fois, nous disent qu’ils sont inquiets pour un élève. Ça peut être aussi la vie scolaire, les surveillants, les CPE. Ils sont très en lien avec les élèves. Ils nous signalent quand un élève n’a pas mangé le midi, quand un élève est isolé sur la cour. Et puis les enseignants qui voient les résultats scolaires qui chutent, ça peut être le signe d’un mal être d’un élève. Dans ce cas-là, ils nous interpellent. Et nous, on reçoit les élèves à ce moment-là.
En Mayenne, on compte 32 infirmières scolaires pour 355 établissements. C’est très peu.
On est à un ratio d’une infirmière pour 1500 élèves. Ce n’est pas possible dans ces conditions là, de répondre à l’ensemble des besoins des élèves. Il faudrait qu’on soit beaucoup plus nombreuses. Il y a les enjeux de santé mentale, mais il y a aussi l’obésité, tout le volet sur la prévention qu’on peut faire, nous, dans les écoles, qui font partie de nos missions. On intervient en classe pour faire le développement des compétences psychosociales, pour travailler sur le vivre ensemble, pour apprendre à être responsable sur sa santé. C’est le minimum dès l’école primaire. Dans le cadre des EVARS, Espaces vie affective, relationnelle et sexuelle, on intervient aussi. Il faudrait beaucoup plus de moyens infirmiers pour pouvoir répondre à l’ensemble de nos missions et aux besoins des élèves.
Le plan pour la santé mentale présenté hier soir par le gouvernement, il vous rassure ? Ces mesures pour améliorer le repérage des troubles chez les jeunes ?
En réalité, il y a déjà. Dès qu’un adulte voit un enfant qui l’interpelle, il l’envoie vers l’infirmière. Il y a déjà des choses qui sont faites même si ce n’est pas protocolisé. Maintenant, ça demanderait effectivement plus de formation. Nous aussi, en tant qu’infirmière, on aurait besoin de davantage de formation. Il y a la loi infirmière aussi qui va dans ce sens-là, puisqu’il y a le statut, la spécialité d’infirmière qui travaille dans le milieu scolaire. Mais ça veut dire de la formation derrière. Parce que, quand on arrive de l’hôpital en tant qu’infirmière à l’Education nationale, même si on passe un concours, on en apprend un peu sur le tas et on est un peu isolé dans nos établissements. Donc ça, c’est un enjeu de formation, il est important.