Après le Conseil Départemental de l’Éducation Nationale (CDEN) où la FSU et le SNUipp ont détaillé leur analyse du projet de convention que le directeur académique des services de ‘léducation nationale (DASEN) ne voulait pas discuter, le SNUipp-FSU écrit à tous les maires du département.
À Laval, le 6 mars 2017
À Madame, Monsieur le Maire
et Mesdames et Messieurs les Conseillers Municipaux
Objet : convention cadre pour la réussite des élèves et pour une évolution de l’offre scolaire dans le département de la Mayenne
Mesdames et Messieurs,
Notre organisation, premier syndicat des enseignants des écoles publiques, s’adresse aujourd’hui à vous pour vous donner un éclairage sur la convention que souhaitent signer les services de l’État, Préfecture et Éducation Nationale, avec les élus territoriaux, représentés par l’Association des Maires de France et le Conseil Départemental.
Depuis de nombreuses années, nous siégeons au Comité Départemental de l’Éducation Nationale (CDEN) où nous défendons la qualité du service public d’éducation à travers un réseau d’écoles attractives de proximité et où nous écoutons les avis exprimés par les représentants des parents ou des élus (maires, Conseillers Départementaux ou Régional).
Dans les instances qui président à l’élaboration de la carte scolaire, nous exprimons régulièrement notre volonté d’offrir les meilleures conditions possibles aux écoles rurales qui caractérisent notre département et qui peuvent être fragilisées pour de multiples raisons. La première est sans aucun doute la difficulté pour de petites communes à se lancer dans des investissements importants sans assurance de la pérennité de la structure. Alors, l’idée d’établir une convention qui pourrait apporter quelques garanties est peut être une bonne idée. Mais pour cela, faudrait-il que les règles d’usage soient respectées !
Les textes touchant à l’Éducation Nationale font toujours l’objet d’une consultation des représentants des personnels et de ceux des parents d’élèves pour leur domaine. Pour cette convention, Messieurs le Préfet et le Directeur Académique ont choisi de s’en passer, alors que la directive ministérielle insiste sur l’importance d’associer tous les acteurs de l’école publique concernés, sans exclusive. Mais nous ne sommes pas les seuls dont on ait eu envie de se passer puisqu’on peut lire : « L’attachement des élus municipaux à la présence d’une école au sein de l’espace communal ne doit pas empêcher toute réflexion et toute évolution du réseau scolaire. » C’est donc parce que les représentants de l État ont voulu se passer de notre avis que nous nous adressons à vous après l’avoir fait lors du CDEN.
Ce que nous reprochons à cette convention cadre est son intention véritable mal dissimulée, puisque dès le préambule il est affirmé que « des fermetures de classes, qui semblent inéluctables […] fragiliseront particulièrement les petites structures » et la solution est immédiatement proposée par « un effort raisonné et concerté de regroupement, de fusion et de concentration de ces structures. » C’est donc bien la fermeture de services publics en milieu rural qui est préconisée, le reste du texte ne visant qu’à renforcer cette idée.
Nous tenons à préciser que nous ne faisons pas une opposition systématique à une évolution de l’école rurale, au contraire nous la jugeons nécessaire. Un regroupement d’écoles concentré ou dispersé est une réponse qui convient sur certains territoires mais pas sur d’autres. Ailleurs, une classe unique peut être aussi la meilleure réponse et la qualité pédagogique de ces petites structures n’est plus à démontrer quand elles fonctionnent.
Nous reprochons à ce texte, au-delà du manque de démocratie, les intentions qu’il peut cacher et le manque de critères objectifs qu’il aurait pu contenir pour en faire un outil intéressant.
Le diagnostic départemental fait dans le préambule peut être enrichi avec le nombre moyen d’élèves dans les classes qui est de 23,21 en Mayenne et de 23,56 en France ; la part d’élèves du public scolarisés dans une commune « rurale » est de 28,4% pour la Mayenne et de 8,7% pour la France ; Notre département se caractérise dans l’académie car il est celui qui a le plus de communes sans écoles.
L’article 1 met en avant les EPCI pour modifier la compétence territoriale en matière scolaire et dans l’article 2 le comité de suivi créé est uniquement composé des parties signataires. Cela nous semble peu démocratique.
L’article 3 est consacré aux engagements réciproques des signataires de la convention. Aucun engagement, en quantité, en taux d’emplois d’enseignants ou dans la durée, n’est avancé de la part de l’Education Nationale. On ne lit que de nobles intentions.
L’article 4 traite des modalités de suivi et l’évaluation par le comité de pilotage. _ Ces modalités se résument à la comptabilité de l’évolution de la taille des écoles. Nous voudrions des éléments qualitatifs comme :
le temps de déplacement des élèves dans le cadre des rythmes de l’enfant.
Les conditions de travail des élèves, des enseignants, des personnels territoriaux…
Aborder ces éléments en termes de coûts, les transports représentent un transfert de dépenses de l’état vers les parents, le département (la région). Les fusions permettent à l’Etat de supprimer des postes d’enseignants.
L’article 5 précise que le comité de pilotage évalue son propre travail :
« La convention est établie pour une durée de trois ans… », « Au terme des trois années et sur la base d’une évaluation menée au sein du comité départemental de pilotage et de suivi, la convention fera l’objet d’un nouvel accord. »
Quoi de plus positif que l’auto-évaluation avec les critères précisés plus haut ?
Quelles seraient les conditions de sortie de la convention pour les communes qui le souhaiteraient à l’issue des trois ans ?
Enfin, nous ne nous sommes pas exprimés sur les propositions d’amendements de l’AMF, d’abord parce que nous n’aurions pas à intervenir directement dans cette phase de négociation, puis parce que ceux-ci visent pour l’essentiel à impliquer l’enseignement privé catholique régit par le directeur diocésain et ne peut par conséquent pas être concerné par une convention sur les écoles publiques.
Pour conclure, vous comprendrez que la FSU (Fédération Syndicale Unitaire) et le SNUipp (son syndicat des professeurs des écoles) s’opposent à cette convention ruralité en l’état. C’est une occasion manquée car notre école rurale est réellement fragile. Occasion manquée par la forme, elle exclut l’ensemble des acteurs de l’école de son élaboration. Occasion manquée sur le fond, ce n’est pas un outil pour réfléchir sur l’avenir de l’école rurale dans notre département, mais un mode d’emploi pour fermer des écoles. Ce n’est pas sans raison que l’Association des Maires Ruraux de France (AMRF) s’est exprimée contre les conventions ruralité lors de son congrès des 8 et 9 octobre 2016. Le risque, à terme, de disparition du service public d’éducation dans nombre de petites communes, accentuerait leur perte d’attractivité et accélèrerait la désertification rurale de notre département.
Yves RAYMOND
Secrétaire départemental
SNUipp-FSU